Comment vendre sa Maintenance aux financiers (05/2015)
Le jeudi 21 mai 2015 à HELMo Gramme, école d'ingénieurs industriels, des responsables des entreprises Techspace Aero, Magotteaux, Prayon et Asco ont dévoilé pour une trentaine de participants quelques points essentiels de leur stratégie de saine gestion des actifs. La réalisation de cet objectif primordial en période de forte compétitivité est certainement la meilleure façon de vendre sa maintenance aux financiers !
Il y a des préjugés qui ont la vie dure… La maintenance est une contrainte et un centre de coûts. Elle est un mal nécessaire, souvent du rafistolage, etc. Par conséquence, c’est presque un automatisme en période plus difficile d’en réduire les budgets de fonctionnement et d’investissements. Pourtant, quand la fonction maintenance travaille en harmonie avec la production et prend pour objectifs d’assurer la disponibilité et la qualité des équipements tout en réduisant ses coûts de fonctionnement, elle améliore la productivité et devient un investissement essentiel à la compétitivité de l’entreprise.
Gérer, c’est donner de la visibilité.
Fabrice Collignon, Responsable Maintenance Moyens de Production - Techspace Aero.
Durant ces dernières années, TECHSPACE AERO a mis en place une structure et des outils de mesure qui permettent de prouver à ses financiers que la maintenance non seulement gère de manière très rigoureuse ses budgets mais surtout qu’elle est une vraie force de progrès pour l’amélioration constante des performances de l’entreprise. Fabrice Collignon a démontré comment le fait de donner de la visibilité à sa gestion a pu contribuer de manière significative à valoriser le rôle positif de la maintenance et de ses équipes.
Visualisation du rôle important de la maintenance dans l’amélioration continue des performances :
- Accord officiel avec la direction sur le rôle de la maintenance, sur ses missions, sur les objectifs prioritaires et sur la stratégie
- Cette démarche structurée repose sur 6 axes : Définition précise de la politique de maintenance, des indicateurs de performance, des indicateurs d’activité, d’un plan de progrès à 5 ans, de la segmentation des budgets et de la mise en pratique du principe des « Revues de gestion ».
Fabrice a ensuite détaillé l’essentiel de ces 6 axes en insistant sur le fait que la réussite et la pérennité de cette politique passe par l’implication de tous, à tous les niveaux de l’organisation. Mais le point le plus inattendu, et qui est dans les faits la concrétisation du thème du séminaire, est bien celui des Revues de gestion.
Visualisation des résultats en termes et chiffres concrets pour les financiers :
La Revue de Gestion est le rendez-vous incontournable où le maintenancier de TECHSPACE AERO se vend aux financiers. A raison de 8 réunions sur l’année, le maintenancier a l’occasion de présenter le résultat du programme de maintenance de son équipe aux responsables financiers ou de gestion, aux responsables de production et aux hiérarchies communes à ces départements, voire le directeur du site ou le directeur général. L’ordre du jour est limité à la présentation de résultats en termes précis et en chiffres concrets :
- Comparaison dépenses/budget prévu et répartition des coûts
- Analyse de principaux indicateurs de performance et d’activité
- Avancement du plan de progrès et mise en évidence des réussites.
Après avoir vu quelques tableaux commentés lors de ces réunions, on ne peut que conclure qu’il est évident que la démarche prouve ainsi aux responsables de l’entreprise que la maintenance est une force de progrès, que sa gestion est rigoureuse et que ses interventions sont judicieuses, proactives et efficaces. Il n’en faut pas plus pour améliorer l’image de la maintenance… et bien la vendre aux financiers.
Gérer, c’est mesurer.
Fabrice Collignon, Responsable Maintenance Moyens de Production - Techspace Aero.
Ce second exposé de Fabrice Collignon est consacré aux données financières et plus particulièrement aux mesures qui permettent de démontrer la saine gestion de la maintenance. On l’a répété plusieurs fois, mais la règle est fondamentale : pour se vendre, il faut parler aux financiers dans la langue qu’ils comprennent le mieux : Résultats/ROI.
- La mesure permet d’objectiver les choses. C’est capital pour se vendre…
- L’importance du contrôle de gestion des interventions et de l’acquisition de données par équipement
- Le rôle de la GMAO
- La vérité du coût global de la maintenance (CGM), coûts directs et indirects (la fameuse partie cachée de l’iceberg)
- L’analyse indispensable des coûts des défaillances de la maintenance, des défaillances du matériel, des stocks et de leur gestion, des surinvestissements, etc
Fabrice a conclu en démontrant toute l’importance du calcul du coût global de la maintenance. Donner de la visibilité en terme de résultat global, c’est contribuer à la continuité de l’entreprise.
Gérer, c’est fiabiliser par les analyses de défaillances.
Armand Habran, Group Maintenance Coordinator – Magotteaux International
Chaque jour, la maintenance entreprend des actions en vue d’éradiquer les défaillances. C’est tellement naturel que cela ne se voit pas. Alors pourquoi le dire? « Parce que la maintenance ne sait pas se vendre ». MAGOLUX a compris l'importance de vendre son travail à sa direction. Depuis quelques années, on a déjà souligné dans tellement d’écrits l’importance de la disponibilité des outils de production dans la compétitivité des entreprises. Elle fera la différence et à l’avenir tout se jouera la dessus plus que sur tout autre élément.
Même si on considère que la pratique des analyses de défaillances est de plus en plus répandue, il n’en reste pas moins évident que beaucoup de choses restent à faire dans son application, dans l’analyse de ses résultats et dans les conclusions d’actions qui s’imposent.
Armand Habran a présenté l’évolution de la démarche de fiabilisation au sein de MAGOLUX.
A partir d’exemples et de tableaux de gestion d’analyses de défaillances structurées qui décortiquent les aspects techniques et économiques, quelles sont les causes à éliminer pour éviter une panne? Quel est le coût de cette défaillance? Que faudrait-il investir pour l'éviter? En termes financiers, qu'économiserait alors MAGOLUX par an et de manière durable?
- Evolution de la méthode et rôle d’un « méthodiste »
- Rôle des OT et des grilles de criticité
- Analyse de l’historique de l’équipement et des coûts inhérents à la défaillance
- Analyse de l’arbre des causes
- Estimation des coûts et des délais de réparation
- Réparation et gestion des données complètes de la défaillance avec présentation des gains potentiels (Améliorer la disponibilité des équipements et le prouver).
Complètement documentée en fichier Access, toute cette information est rapportée à la production ainsi qu’à la direction et fait en sorte que la maintenance et ses hommes gagnent en reconnaissance. Oui, c’est une bonne manière pour ceux qui sont toujours « le nez dans le guidon » de se vendre aux financiers en valorisant leur Centre de Profit. Chez Magolux, le taux de disponibilité des équipements a évolué de 70% en 2006 à 81 % en 2010.
Gérer, c’est choisir.
Philippe Delneuville, Responsable Fiabilisation et Standardisation – Prayon
« Pour bien vendre sa maintenance aux financiers, il faut la gérer et la documenter comme si on était celui qui tient le cordons de la bourse ». Tellement simple à dire, mais pour y parvenir le maintenancier est souvent confronté au fait de devoir choisir. Dans cet esprit, Philippe Delneuville de PRAYON a décidé de nous entretenir d’un des choix de sa politique de maintenance : optimiser le stock de pièces de rechange. Malgré une valeur du stock de pièces stratégiques de +/- 13 millions d'euros, il manque toujours la pièce tant attendue. Il n'est pourtant pas réaliste de doubler le volume de l’usine pour s’assurer un stock de chaque pièce. Pour maîtriser au mieux ce risque de rupture tout en diminuant la valeur de son stock de pièce de rechanges, PRAYON utilise à ce jour la méthode Kinney mais optera certainement pour un autre outil d'aide à la décision dans l'insertion d'articles en magasin, outil qui fera à coup sûr l'unanimité des décideurs.
Optimalisation globale et réfléchie du coût des stocks et du risque d’arrêts.
Après avoir présenté la typologie de ses stocks de pièces et équipements ainsi que les grands principes d’achat et de gestion (Benchmark et adéquation du stock), Philippe a détaillé l’insertion actuelle d’articles en magasin suivant la méthode Kinney :
- Rôle des indices Kinney de gravité, de fréquence et de probabilité
- Gestion des évaluations Kinney dans SAP
- Evolution du stock.
Il présente ensuite l’autre outil d’aide à la décision qui pourrait être mis en application, la méthode JQF (méthodologie Omega Maintenance) basée sur un nombre plus important de critères pour l’insertion d’un article en magasin :
- Indice de criticité de l’équipement et celui de la pièce
- Délai d’approvisionnement
- Risque d’approvisionnement sur 3 critères
- Coût unitaire
- Volume de la demande
- Durée de vie en stock.
Quelques tableaux ont permis de visualiser la méthode avant que d’autres nous justifient ce changement par les raisons fondamentales et par les gains potentiels attendus sur les plans de la gestion proprement dite et sur celui des finances. Pour vendre l’outil aux décideurs, il faudra surtout donner de la visibilité sur le gain financier et sur la meilleure maîtrise du risque de la rupture de stock pouvant perturber la production. Gérer, c’est choisir !
Gérer, c’est anticiper.
Alain Catanese, Maintenance Manager – Asco
L’obsolescence, qu’elle soit programmée ou non, mène la vie dure aux maintenanciers. Comment garantir un maintien de la disponibilité et surtout comment « rétrofiter » ou remplacer les équipements et « vendre » cet investissement à son management. Dans son premier exposé, Alain Catanese a partagé sa propre expérience sur ce sujet épineux, comme le sont souvent les débats autour d’investissements importants.
Gérer l’outil, c’est anticiper son obsolescence, c’est prévoir sa restauration ou son remplacement sur base de données précises de coûts et de performances, c’est avoir une vision à long terme et avoir tous les atouts en mains pour parler aux financiers dans la langue qu’ils comprennent le mieux : ROI.
- Anticiper : Obsolescence, vieillissement, retrofit, remplacement…
- Anticiper : Analyse des impacts sur la rentabilisation de l’outil
- Anticiper : Budgets globaux et reporting associé avec KPI’s
- Anticiper : Réduction des risques et analyse de criticité
- Anticiper : Vision détaillée à long terme et méthode Value Drive Maintenance.
Pour Alain, cette démarche de la maintenance est claire : adapter sa méthode de gestion aux préoccupations premières des financiers et leur fournir des informations techniques correctes et faciles à comprendre en établissant pour chaque anticipation un lien avec l’impact sur la finance et/ou la production.
Gérer, c’est manager la performance de ses donneurs d’ordre.
Alain Catanese, Maintenance Manager – Asco
Si vous avez répondu oui au besoin de l’externalisation, comment pouvez-vous tirer le maximum d’un prestataire externe ? Comment mettre en place un contrat de progrès et que doit-il contenir ? Dans une approche très concrète, Alain Catanese a attiré l’attention sur quelques principes et sur les détails qui peuvent aider à optimiser une prestation de sous-traitance.
- Contenu d’un contrat d’obligation de résultat
- Analyse des prix, modalités financières et responsabilités du cocontractant
- Définition précise de la mission et des résultats attendus
- Clauses techniques et de gestion administrative
- Plan QHSE
- Reporting.
Si tous les participants s’accordaient à reconnaître le caractère fondamental des précisions abordées, bien qu’on en néglige souvent quelques unes, il y a un sujet qui a vraiment marqué l’assemblée et soulevé quelques questions. Chez ASCO tout prestataire extérieur doit contractuellement gérer toute sa prestation dans la GMAO de l’entreprise, jusqu’au reporting final. Pour Alain, cette approche différenciée est essentielle pour mieux manager la performance de ses donneurs d’ordre. De plus, la relation entre le donneur d’ordre et le prestataire s’en retrouve ainsi modifiée et passe vraiment de celle de fournisseur à celle de partenaire.
Les 6 présentations Comment vendre sa maintenance aux financiers sont téléchargeables pour les membres de CLICE Maintenance. (Vous devrez vous identifier)
Nos remerciements à la Direction de l’école HELMo Gramme (2.000 étudiants) qui nous a accueillis pour ce séminaire. Juan Herrera, Directeur, nous en a fait une brève description en ouverture, démontrant ainsi le respect de leur principe de base : un niveau d’exigence élevé, en phase avec les préoccupations industrielles et allié à un encadrement suivi des étudiants. En témoignent l’importance accordée aux contacts et stages des étudiants en entreprise en Belgique aussi bien qu’à l’étranger, l’intervention d’experts professionnels dans les programmes et les démarches en vue d’une accréditation internationale des titres d’ingénieurs.
Tous les remerciements de CLICE MAINTENANCE aux 4 orateurs pour ces partages d’expérience enrichissants dont la qualité témoigne d’une méticuleuse préparation et d’un beau travail d’équipe pour assurer la réelle complémentarité des interventions. Ce partage s’est prolongé avec le verre de l’amitié.